Crise du logement à Gatineau: des bureaux fédéraux à la rescousse?
Mathieu Bélanger, Le Droit
29 août, 2022
Gatineau dispose peut-être d’un as dans sa manche pour agir de façon marquée sur la crise du logement. L’examen du portefeuille immobilier du gouvernement fédéral amorcé par le Conseil du Trésor pourrait déboucher sur des opportunités. La mairesse, France Bélisle, affirme être à l’affût de tout ce qui pourrait ressembler à de la conversion d’édifices à bureaux en immeubles résidentiels dans sa ville. Une rencontre réunissant des fonctionnaires de Services publics et approvisionnement Canada (SPAC) et des représentants du Comité-choc en logement a d’ailleurs eu lieu il y a un peu moins de deux semaines à ce sujet, a appris Le Droit.
À Gatineau seulement, le gouvernement fédéral est locataire ou carrément propriétaire de plus de 200 immeubles, dont une centaine de bâtiments qui représentent plus d’un million de mètres carrés de surface. Il y a beaucoup de bureaux, dont certains sont actuellement sous-utilisés d’après la dernière compilation du Conseil du Trésor que nous avons consulté, mais aussi plusieurs entrepôts et quelques résidences.
«L’aliénation de biens immobiliers excédentaires est un long processus qui dure plusieurs années, précise par écrit Michèle LaRose du service des relations publiques à SPAC. L’état de l’immeuble, son impact sur l’environnement, sa fonctionnalité, son utilisation et sa rentabilité sont tous pris en compte dans cette décision. […] Au fur et à mesure que nous envisageons de nous départir de biens immobiliers, nous consulterons les intervenants fédéraux, provinciaux, municipaux et communautaires concernés, y compris des groupes autochtones, afin d’offrir des occasions de générer des retombées socio-économiques comme des espaces verts, des logements sociaux ou des lieux communautaires et commerciaux transformés. […] La Ville de Gatineau est l’un des nombreux intervenants avec qui nous communiquions à ce sujet.»
En entrevue avec Le Droit, le député de Gatineau, Steven MacKinnon, a soutenu qu’il aura des possibilités de collaboration. «On va travailler avec la Ville, mais on est encore aux phases préliminaires de ce travail-là. L’exercice de révision est bien entamé. Il y a eu identification de certains immeubles un peu partout au Canada et nécessairement dans la capitale fédérale, tant à Ottawa qu’à Gatineau. Je veux passer cette liste au peigne fin lorsqu’elle sera élaborée parce qu’on a aussi un devoir de préserver la règle du 75/25 (sur la présence fédérale en sol gatinois). Ça devra rester une condition sine qua non de nos efforts.»
Un premier projet à Gatineau?
La mairesse Bélisle mentionne que le gouvernement fédéral a de l’argent pour la conversion d’immeuble et ajoute s’être assurée auprès de la ministre sortante des Affaires municipales du Québec, Andrée LaForest, que le nouveau Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) permettra aussi d’injecter des sommes dans la conversion d’immeubles. Elle ne cache pas que la campagne électorale en cours au Québec est une occasion pour tous ceux qui aspirent à siéger à l’Assemblée nationale de confirmer leurs intentions pour de tels projets.
«À partir du moment où le fédéral et le provincial reconnaissent que l’enjeu du logement est majeur, je crois qu’on peut se permettre de sortir de la boîte pour réfléchir, dit-elle. S’il faut négocier, on le fera. Je ne sais pas si la Ville deviendrait promoteur. Il y a déjà des groupes sur le terrain à qui on pourrait confier ce mandat. Là où la Ville a un rôle à jouer, c’est d’être un interlocuteur très important. J’aimerais bien que ce soit d’abord à Gatineau qu’on fasse un projet de conversion d’immeuble fédéral. Il y aura beaucoup de ficelles à attacher entre les différents partenaires. La Ville doit être là pour accompagner. […] Il faut que le dialogue avec le fédéral soit là et on veut être informé des intentions de tous pour ne pas rater d’opportunité sur notre territoire.»
La mairesse dit toutefois n’avoir aucun horizon quant à un éventuel projet de conversion d’immeuble fédéral sur son territoire. M. MacKinnon précise que les immeubles phares de la fonction publique à Gatineau, comme le complexe de la Place du Portage et les Terrasses de la Chaudière, ne seront pas considérés pour de tels projets. SPAC ajoute que «plus amples renseignements sur l’aliénation des immeubles seront communiqués au fur et à mesure que les décisions seront prises». La présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, attend pour sa part un rapport final sur l’examen du portefeuille immobilier avant le projet budget fédéral.
L’objectif est d’économiser six milliards de dollars d’ici cinq ans et trois milliards par année d’ici 2026-27.
Manque d’ambition
En attendant les opportunités fédérales, Gatineau entend poursuivre ses efforts pour agir contre la crise du logement. Le taux d’inoccupation, bien en deçà du point d’équilibre, continue de filtrer avec le 1%. C’est dans ce contexte que la mairesse Bélisle s’est rendue au premier Sommet de l’habitation, à Laval, vendredi dernier. Les dix grandes villes du Québec se sont toutes engagées à réaliser au moins un projet innovant et différent pour améliorer l’abordabilité des logements sur leur territoire. La Ville de Gatineau s’est pour sa part engagée à poursuivre les travaux du Comité-choc en logement mis en place le printemps dernier.
Le conseiller d’Action Gatineau dans Limbour, Louis Sabourin, s’est dit déçu du manque d’ambition de la Ville de Gatineau. «Les autres grandes villes présentent toutes des projets innovants et concrets, comme une taxe sur la spéculation, du logement étudiant et autochtone ou des logements sans but lucratif, a-t-il affirmé par voie de communiqué de presse. De notre côté, à Gatineau, on s’engage à poursuivre les travaux du Comité-choc. Un comité qui, pour moi, me semble être la table de partenaires que nous avions déjà, qui a été renommée et qui vise essentiellement à dénouer des noeuds et suivre des dossiers en temps réel.»
Selon Action Gatineau, une bonne partie de la solution passe par la nécessité de doter la Ville d’une stratégie d’inclusion forçant les promoteurs privés à inclure du logement abordable dans leurs nouveaux projets immobiliers. Un tel règlement est actuellement en préparation au service de l’urbanisme. La commission sur l’aménagement du territoire et de l’habitation doit s’y pencher de nouveau cet automne. Le tour du conseil municipal viendra éventuellement. La mairesse Bélisle et le président du Comité-choc, Daniel Champagne, ont jusqu’ici fait preuve de peu d’enthousiasme pour une telle avenue.
https://www.ledroit.com/2022/08/29/c...9313ef0362a5bb